STRATEGIE SCIENTIFIQUE 2024-2029
- AXE 1 : EMPIRES NOMADES
Cet axe est construit autour du concept d’empire nomade en tant que modèle alternatif pour comprendre les régimes politiques centrasiatiques de l’intérieur, en prenant pour appui leurs pratiques du pouvoir, leurs modalités culturelles et leurs catégories conceptuelles. Le concept sert à décloisonner les études sur les empires nomades d’Asie centrale, des Amériques et d’Afrique en révélant qu’ils sont mus par des processus sociaux similaires et qu’ils développent des stratégies de gouvernance potentiellement semblables. Dans une perspective post-coloniale, cet axe permettra d’englober les études actuelles sur les hordes et villes nomades et d’aborder le passé pré-russe de l’Asie centrale en nous affranchissant des frontières contemporaines de la région. Il englobera également les recherches menées actuellement par William Rendu sur l’économie de subsistance des Néandertaliens en termes de techniques de chasse, choix des proies et gestion saisonnière du territoire.
Dans les activités déjà réalisées on notera d’une part un séminaire de Marie Favereau sur les « Institutions nomades » et la question de la réinvention de la tradition (« The Origins of Qurultai »), d’autre part le projet PaxMongolica co-porté par M. Favereau et Bruno De Nicola (Austrian Academy of Sciences, Institute of Iranian Studies) et plusieurs institutions d’Asie centrale (dont l’Institut Beruni (Tashkent), le musée national du Kazakhstan et le musée national du Kirghizstan, le Zheen Centre for Documentation and Research (Iraq) et le Chinggis Khan Museum (Mongolie).
- AXE 2 : RITUELS ET RELIGIONS
Il s’agit de poursuivre nos analyses et notre prospection sur les nombreuses croyances qui ont façonné, historiquement et sociologiquement, l’Asie centrale. On s’intéressera tout autant aux rituels pré-islamiques qu’au judaïsme, bouddhisme, manichéisme et christianisme ; à la multiplicité des pratiques funéraires qu’au chamanisme, au soufisme et au jihadisme contemporain – bref tout ce qui fait l’exception centre-asiatique en matière de religions. Dans cet axe, les disciplines de l’histoire, de la sociologie, de l’archéologie et de l’ethnologie sont particulièrement mobilisées.
On pourra notamment consulter une interview menée par Ivan Fukalov, chercheur associé de l’IFEAC, publiée sur le site de l’IFEAC sous le titre ‘The Underground Religious Life of Greek Catholics in Soviet Central Asia: A Conversation with Roman Kruk, Interviewed by Ivan Fukalov’.
- AXE 3 : LES PASSÉS QUI CONSTRUISENT LE PRESENT
Il s’agit d’analyser et de participer aux diverses entreprises locales de « (re)-construction du récit d’histoire nationale ». Résolument post-soviétique, ces histoires collectives que nous voyons se développer et auxquelles nous pouvons être amenés à contribuer en tant qu’historien(ne)s nous permettent de questionner, de manière constructive, les nationalismes locaux. Cet axe couvrira notamment de nouvelles productions cartographiques, des bases de données photographiques et filmiques – autant d’outils pédagogiques que les chercheurs pourront mettre à disposition d’une plus large audience à travers le portail du site de l’IFEAC.
Dans le cadre de son affectation à l’IFEAC et du projet ANR-21-CE41-0003 Gouverner l’Humain, contrôler la reproduction. Trajectoires (post)coloniales de l’eugénisme dont l’IFEAC est partenaire, Lucia Direnberger mène une recherche intitulée « Production du savoir et hiérarchies sociales dans les marges de l’empire soviétique. La démographie et l’expertise sur la famille comme outil (anti)impérialiste ».
Ce projet a objet principal la démographie et l’expertise sur la famille comme outil de gouvernement des corps et de production des hiérarchies sociales au Tadjikistan, en Ouzbékistan et au Kirghizstan dans les années 1970 et 1980.
Depuis Moscou, l’Asie centrale est au cœur du « problème » en raison de sa croissance démographique qui ne décline pas contrairement à la natalité des Républiques slaves. Dans ce contexte, l’expertise sur la famille – qui traite de sujet aussi divers que l’éducation des enfants, l’hygiène, la libération et le travail des femmes, les stérilisations, l’avortement, la contraception, les aides financières, l’alcoolisme, le congé maternité, les mariages « mixtes » – connaît des transformations importantes. Cette production, la circulation et la discussion des savoirs démographiques et de l’expertise sur la famille, devient un site privilégié d’observation de l’accroissement des tensions entre le centre impérial et les périphéries soviétiques et d’analyse pour comprendre la construction des inégalités et hiérarchies sociales en URSS.
Ce projet repose sur un travail d’archives (publications scientifiques des Académies des sciences, publications scientifiques sur l’histoire des femmes et de la famille, presse étatique sur les femmes) et sur un travail d’entretiens et d’histoire orale (avec des démographes et spécialistes des sciences de la population, des historiennes spécialistes des femmes et de la famille, des personnels de santé ayant pour domaine d’intervention la gynécologie, l’hygiène, la pédiatrie).
- AXE 4 : L’ASIE CENTRALE DANS LA MONDIALISATION
Face aux changements environnementaux, aux enjeux sociaux de migrations et à l’augmentation de la complexité de fonctionnement systèmes agri-alimentaires, comment les agriculteurs, les acteurs privés des filières et les pouvoirs publics, s’organisent-ils pour transformer les systèmes agri-alimentaires ? Ceux-ci occupent une place particulière, car ils sont fortement affectés par les changements globaux, mais ils sont aussi facteurs de ces changements et enfin, car ils sont étroitement liés aux questions de justice.
L’objectif général de cet axe est de mettre en évidence le rôle de la gouvernance dans les réponses qui sont faites aux enjeux liés aux changements globaux qui touchent les systèmes agri-alimentaires dans leur ensemble.
La grille d’analyse qui sera mobilisée est celle des transitions des systèmes socio-techniques qui permet de relier les recherches menées sur les changements environnementaux liées au climat, à l’eau et à la fertilité des sols, avec les recherches sur les politiques publiques en particulier les politiques agraires et les politiques de gestion des ressources naturelles.
Cet axe repose notamment sur les recherches d’I. Mestre laquelle s’appuie sur quatre terrains initiaux, qui représentent une petite partie de la grande diversité des systèmes agri-alimentaire en Asie centrale. La collectivité de Batken (oblast de Batken), le district de Naryn (oblast de Naryn), et de Tong (oblast d’Issyk-kul) au Kirghizstan et le district de Korgalgyn (oblast d’Akmola).
Les enjeux locaux de transition sont explorés, tels que :
– Les effets de la transformation de l’accès à l’eau d’irrigation sur les choix des cultures menées par les agriculteurs et sur le rôle de la ville de Batken dans la structuration des filières.
– L’évolution des relations entre les agriculteurs des exploitations paysannes et les dirigeants des exploitations collectives sous la pression de l’intensification de la production et de la production dans le district de Korgalgyn (oblast d’Akmola).
– Les stratégies de diversification et de spécialisation des acteurs privés et publics (district de Naryn).
– La gouvernance conjointe de la biodiversité et des pratiques agricoles (district de Tong, oblast d’Issyk-Kul).
Ce projet s’appuie sur des partenariats avec l’Université d’Asie Centrale (Mountain Society Research Institute), la Fondation CAMP Alatoo et Amantour Zhaparov (Académie des Sciences).